Un nouveau fabricant de caractères bois à Bressuire !

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Article de 2017 mis à jour en 2023.

La bibliothèque de l’École Estienne possède un spécimen de la fabrique Dugnat et Cie, installés à Bressuire. Il est non daté, et la notice du catalogue, supposé être paru vers 1850 est fautive, nous allons voir que sa parution ne peut se situer qu’entre 1868 et 1875. Je l’ai repéré sur le catalogue de la bibliothèque en 2017, et il m’a entre-temps été généreusement signalé par un étudiant de l’école (merci) qui m’a donné la possibilité de le voir.

Ce qui fait à mes yeux le grand intérêt de ce spécimen, c’est bien sûr que ledit Dugnat est établi à Bressuire, que je ne le connaissais pas avant 2017 et que c’est donc un autre de ces pionniers de cette industrie qui a fleuri dans cette ville pendant plus d’un siècle.

Questions et suppositions

Le sous-titre du spécimen annonce “Atelier de gravure sur bois” sans plus de précisions puis vient la spécialité. On peut supposer que cette spécialité, “les caractères pour affiches” n’est pas le premier “métier” de Guillaume Dugnat (1838-1902), en 1866 il est qualifié de menuisier dans le recensement, puis de graveur dans les années 1880.

Nous sommes donc en présence dans cette ville à des “reconversions” opportunes dans une industrie naissante en France, graveurs et menuisiers y voyant un débouché lucratif.
Il est aussi intéressant de noter que dans cette région on exploitait le bois de cormier (particulièrement présent dans le bocage Bressuirais), d’ailleurs une publicité de Ploquin indique qu’il exploite lui-même un tel bois.
La concentration à Bressuire de fabricants s’explique donc peut-être en partie par ces conjonctions : un pionnier (Delamarre), la réussite, la matière première, les imitateurs et la concurrence (par exemple on sait que Ploquin avait pour concurrent direct Audebaud).

Qui ?

Guillaume Dugnat (1837-1902) est né à Brousse dans le Puy-de-Dôme de Antoine Dugnat et Marie Pialat. Il est marié à Hortense Gobin et à une fille, Marie Louise. Au recensement de 1881, il habite au 3 Grande Rue. Encore jeune dans les années 1880 (et quelifié de graveur encore en 1891), il est possible qu’il ait travaillé pour Audebaud ou Ploquin après avoir cessé son activité à son nom et en association avec Geffard. On doit également supposer que Audebaud, qui reprend la fabrique Moreau en 1877, ou Ploquin, aient l’un ou l’autre intégrés le fonds Dugnat.

Quand ?

Au vu de son contenu, on peut être effectivement tenté de le dater des années 1850, mais Dugnat n’apparaît dans les sources qu’en 1868, cité comme fournisseur en caractères bois de la Fonderie Boildieu (L’imprimerie, journal de la typographie ). Il est associé à Geffard entre 75 et 78 (Geffard et Dugnat (orthographié Dunias) apparaît dans l’Annuaire du commerce en 1875). J’inclinerai donc pour une période d’exercice entre 1868 à minima et 1878.

Pour le moment aucune marque “Dugnat” n’a été repéré sur les caractères anciens en circulation.

Le specimen de Dugnat

Il est édité par P. Godet à Saumur. Paul Godet, imprimeur actif entre 1839 et 1858, la raison sociale reste cependant la même avec son fils, jusqu’en 1916. Difficile donc de réduire la fenêtre de datation du spécimen avec cet élément, on peut seulement inférer qu’il ne peut être postérieur à 1875, puisque la raison sociale devient Dugnat et Geffard à cette date.

Sa page de titre donne un certain nombre d’informations :

Spécimen. Atelier de gravure sur bois. Spécialité de caractères pour affiches. Coins et filets d’encadrement / Dugnat et Cie, graveurs à Bressuire (Deux-Sèvres)

C’est un spécimen d’une grande richesse qui compte environ 90 pages de polices allant de 5 à 80 cicéros. Il propose en outre des filets anglais et des bordures.

Seule indication “technique”, cet avis en page des compositions des polices :

M. les imprimeurs peuvent se persuader que toutes les lettres sortant de notre atelier seront bien confectionnées et en bon bois, et qu’elles auront baignées dans l’huile pendant 24 heures.

Nous ne saurons pas quel bois, mais il s’agit vraisemeblablement du cormier présent dans la région, quant au bain d’huile (en général de l’huile de lin, parfois chauffée), il permet de saturer le bois afin de l’empêcher de “boire” l’encre, et aussi de le rendre plus résistant à l’humidité et aux insectes.

À suivre …